15. Feb 2023

« On acquiert de la maturité et des compétences sociales »

« On acquiert de la maturité et des compétences sociales »

Avec « l’offensive de formation du secteur du bâtiment », la Confédération et le secteur du bâtiment souhaitent recruter de nouvelles personnes qualifiées et éviter la réorientation du personnel du secteur du bâtiment vers d’autres branches. À cet égard, l’apprentissage tout au long de la vie revêt une grande importance. Les deux entreprises Gut AG Gebäudetechnik et A. Kuster AG (toiture, façade, ferblanterie et montage solaire) pratiquent déjà cette culture de la formation. Dans cet entretien, les directeurs Patrick Frank et Andreas Kuster expliquent pourquoi ils encouragent leurs collaborateurs à se former en continu.

Interview: Nicolas Gattlen

Monsieur Frank, Monsieur Kuster, comment réagissez-vous lorsqu’un collaborateur frappe à votre porte pour vous faire part de son souhait de suivre une formation continue ?

Andreas Kuster : J’y suis toujours favorable. Nous acceptons même des formations de plusieurs années et des absences de 20 à 30 % du temps de travail. En tant qu’entreprise, si nous ne soutenons pas la formation continue de notre personnel, nous serons rapidement perdants. Les exigences dans la construction de toits et de façades évoluent sans cesse, en particulier dans le domaine de la conception. L’essor du solaire n’a fait que renforcer cette tendance. Nous avons donc besoin de personnes qualifiées qui soient à jour. D’autre part, la formation continue accroît la motivation et l’intérêt des collaborateurs dans l’exercice de leur métier.

Patrick Frank : Je partage cet avis. Je suis un partisan de l’apprentissage tout au long de la vie. La participation à des cours de formation continue permet d’élargir son horizon. On découvre de nouveaux thèmes, de nouvelles personnes aussi, on acquiert de la maturité, des compétences sociales, ainsi qu’une confiance en soi saine. Ce sont des qualités importantes dans les relations avec les collaborateurs occupant des postes à responsabilité.

Le désir de suivre une formation continue émane-t-il en général du personnel ou est-ce vous qui donnez l’impulsion ?

AK : Il y a les deux cas de figure. Pour moi, il est important que la formation continue fasse partie de notre culture d’entreprise. Nous incitons ainsi déjà les apprentis à prendre part aux SwissSkills. Il ne s’agit certes pas de formation continue, mais c’est une opportunité d’acquérir de l’expérience et de faire ses preuves. Ces dernières années, nos apprentis ont remporté de grands succès aux SwissSkills et aux championnats du monde des métiers. Ce qui a pour effet de renforcer leur fierté professionnelle et de leur insuffler un véritable élan.

PF : Nous abordons, nous aussi, activement le thème de la formation continue auprès de nos collaborateurs à tous les niveaux, chez les cadres comme chez les artisans. Dans le bâtiment, les techniques et les normes évoluent actuellement à une vitesse fulgurante. Ni les collaborateurs ni l’entreprise ne peuvent se permettre de passer à côté de ces avancées.

Devenez spécialiste énergétique

SuisseEnergie facilite la recherche de formations continues adaptées dans les domaines de l’efficacité énergétique, de la suffisance énergétique et des énergies renouvelables, en proposant une vue d’ensemble des différentes offres sur son site internet. On y trouve des offres des hautes écoles spécialisées et des universités, les cursus de la formation professionnelle supérieure, ainsi que des formations continues (cours) dispensées par les cantons et d’autres organisations. 

Qu’est-ce que l’apprentissage tout au long de la vie ?

Les connaissances et les compétences sont soumises à des changements permanents : les connaissances existantes tendent à se perdre ou à perdre de leur valeur et de nouvelles compétences sont exigées. Les évolutions telles que la numérisation accélèrent ce processus. L’apprentissage tout au long de la vie est une nécessité afin de combler ces déficits de formation. Ce concept comprend aussi bien l’apprentissage dans le domaine formel (diplômes reconnus au niveau fédéral) que les formations informelles dispensées sous forme de cours, de séminaires, etc., ainsi que la formation individuelle par le biais de la littérature spécialisée, de la famille ou des activités bénévoles.

Toute personne qui souhaite suivre une formation continue validée par un examen fédéral (BF brevet fédéral ou DF avec diplôme fédéral) peut faire une demande de financement auprès de la Confédération. www.sbfi.admin.ch (contributions FPS). Le SEFRI soutient aussi les entreprises désireuses d’aider leur personnel à rester à la hauteur des exigences sur leur lieu de travail, par exemple au travers du programme « Simplement mieux… au travail » ou du « Guide de la formation continue dans les PME ». 

Ne craignez-vous pas qu’après une formation continue, vos collaborateurs partent chez la concurrence ou changent de secteur ?

PF. Ce risque existe toujours, les collaborateurs ne m’appartiennent pas et sont libres de leur décision. Mais je n’ai eu pratiquement que de bonnes expériences. Les gens apprécient qu’on les soutienne et le rendent par leur engagement et leur fidélité.

AK : Cela rejoint mon expérience. Une bonne culture de formation continue permet d’ailleurs d’attirer de nouvelles personnes. Aujourd’hui, il est de notoriété publique que notre entreprise soutient la formation continue. Les gens frappent à notre porte car ils savent que, chez nous, ils peuvent suivre des cours et mettre en pratique les compétences nouvellement acquises, par exemple dans la planification et le montage des installations solaires.

Soutenez-vous également financièrement des formations continues ?

PF : Une partie des coûts est payée par l’association Suissetec au travers des cotisations des membres. Pour les cours avec examen fédéral, la Confédération prend en charge la moitié des coûts. Certains cantons apportent leur soutien en réduisant les frais d’inscription. Nous prenons en charge 50 % des frais restants. Et en cas de besoin, nous proposons des prêts sans intérêts, qui peuvent être remboursés de façon échelonnée.

AK : Les frais de scolarité sont presque entièrement couverts grâce au soutien de l’État ainsi qu’au remboursement de la contribution professionnelle et de la contribution aux frais d’exécution. Les personnes sont ainsi incitées à entamer une formation continue sans devoir assumer une charge financière importante.

Dans votre entreprise, le temps consacré à la formation est-il considéré comme du temps de travail ?

PF : Les cours ont souvent lieu le soir ou les week-ends. Quand ils se déroulent pendant les heures de travail et que, durant cette période, une personne ne travaille qu’à 80 % chez nous, nous lui versons 90 % de son salaire. Les heures restantes (10 %) peuvent être compensées avec une partie de ses vacances ou par ses heures supplémentaires. Elles peuvent aussi être comptabilisées dans les heures négatives, qui seront ensuite rattrapées, une fois la formation achevée et réussie. En cas de bons résultats, nous cédons aussi volontiers quelques heures, en général jusqu’à 80.

AK : Selon la CCT, nos collaborateurs ont droit à trois journées de formation continue par an. En cas de formation plus longue, nous convenons toujours au cas par cas de la rémunération des heures non travaillées.

Votre entreprise dispense-t-elle aussi des formations continues en interne ?

PF : Notre entreprise emploie un formateur à plein temps. Il ne forme pas seulement les apprentis, mais aide aussi les collaborateurs qui suivent une formation continue. Il participe en outre régulièrement à des séminaires – par exemple sur les nouvelles normes – et transmet ces connaissances au personnel. Dans notre département rénovation, les chefs de projets sont informés des réglementations et subventions actuelles. Notre entreprise réalise environ 120 rénovations de chauffage par an en Suisse centrale, ce qui nécessite une bonne vue d’ensemble des différentes lois cantonales.

AK : Nous organisons chaque année des cours de formation continue à l’interne. La participation est souvent validée par un certificat. Ces certificats ne sont pas seulement importants pour nos employés, ils permettent aussi à notre entreprise de se démarquer de la concurrence. Outre les formations internes et externes, nos collaborateurs participent à des séances d’information. Récemment, nos cadres se sont rendus au Service de l’énergie du Canton de Thurgovie pour s’informer des dernières modifications au niveau des programmes de subventions. Un personnel qualifié constitue la clé du succès de l’entreprise. À nos yeux, la formation continue représente donc un enjeu fondamental. Cette philosophie a d'ailleurs un impact non négligeable à l'extérieur.

Andreas Kuster est propriétaire et directeur de la société A. Kuster AG. Basée à Weinfelden (TG), cette entreprise est spécialisée dans le domaine des toitures, des façades, de la ferblanterie et du montage solaire. Elle emploie 40 personnes.

Andreas Kuster

Patrick Frank est copropriétaire et directeur de la société GUT AG. Spécialisée dans la technique des bâtiments, cette entreprise dispose de cinq sites en Suisse centrale et emploie 130 personnes, dont 19 apprentis. Patrick Frank œuvre également comme président de l’association Suissetec de Suisse centrale.

Patrick Frank