13. Jan 2021

LMP – la fin d’une très longue attente !

Un titre à rallonge pour une loi dont les implications pour la société, pour les maîtres de l’ouvrage et pour les concepteurs s’annoncent majeures. Une introduction réussie de la LMP révisée se traduira par une notable avancée de la Suisse vers l’atteinte des objectifs de durabilité.

Auteur : Michel Kaeppeli, chef du service Règlements, membre de la direction ; michel.kaeppeli@sia.ch

Le 1 er janvier 2021 a marqué l’entrée en vigueur de la loi fédérale révisée sur les marchés publics (LMP). Celle-ci assure le retour de la qualité dans la passation des marchés et met fin à l’effroyable prolifération des offres à bas prix. À deux abstentions près, les Chambres fédérales ont approuvé la nouvelle loi à une écrasante majorité. Les parlementaires ont ainsi exprimé sans équivoque leur volonté de réorienter l’attribution des marchés vers l’application des objectifs globaux de durabilité. La LMP révisée constitue un gain pour tous – sauf pour les partisans du « radin, c’est malin ». C’est une chance pour les architectes et les ingénieurs, pour les maîtres de l’ouvrage et surtout pour la société dans son ensemble. Un changement de paradigme que la SIA salue, car les buts de la loi recoupent désormais ses propres objectifs en faveur d’un cadre de vie durable, porteur d’avenir et de qualité élevée.

Pour la société

La LMP concerne les maîtres de l’ouvrage publics. Mais elle impacte toute l’économie en fixant un nouveau standard pour l’acquisition de biens durables. Elle devient donc aussi une référence pour les commanditaires privés, qui se voient de plus en plus appelés à justifier leurs choix auprès du public.

Dans notre pays, la quasi-totalité des infrastructures est mise à disposition par les pouvoirs publics. Le volume des commandes publiques se monte ainsi à plus de 40 milliards de francs par an, dont quelque 20 % pour la Confédération et le reste pour les cantons et les communes. Une fois réalisés, les écoles, les autoroutes, les tunnels et autres ouvrages marquent le paysage durant des décennies. Avec une prise en compte renforcée de la qualité lors de l’adjudication d’un mandat, nous assumons notre responsabilité face aux générations à venir.

La qualité doit aussi pouvoir être fournie et, afin que cela demeure le cas, il faut que la formation de la relève soit assurée. Une branche fortement évaluée à l’aune de la qualité a donc tout intérêt à offrir des conditions de travail favorables pour attirer les meilleurs talents et encourager activement la relève.

Pour les maîtres de l’ouvrage

Depuis des années, les représentants de maîtres de l’ouvrage publics appelaient de leurs vœux une concurrence qualitative. La loi fédérale révisée leur fournit maintenant un instrument pour adjuger un marché à l’offre la plus avantageuse. Le changement de paradigme si souvent invoqué se traduit dès lors dans la pratique. La légendaire qualité suisse est de fait remise au centre. Parmi les critères d’adjudication, le coût du cycle de vie d’un ouvrage va jouer un rôle déterminant : favorisant les approches à long terme, il représente ainsi un levier d’importance pour le choix de solutions plus écologiques et durables.

Pour la branche des études

La LMP constitue le socle d’une passation loyale des marchés. Elle contribue en outre à casser la spirale de la sous-enchère, car les offres relevant du dumping avec des surcoûts cachés n’obtiendront plus la note maximale lors de l’évaluation. De nouveaux instruments obligent à vérifier des prix ostensiblement bas, voire à exclure une offre fautive le cas échéant. En l’occurrence, les mots-clés de la loi sont la « plausibilité de l’offre » ou la « fiabilité du prix ». Dans ce contexte, l’offre correspondant à la médiane de toutes les propositions reçues est considérée comme la plus fiable. Plus une offre se rapproche de cette valeur médiane, plus elle cumule de points.

De même, l’harmonisation du droit fédéral et des dispositifs cantonaux sur les marchés publics représente un progrès notable. Jusque-là, les concepteurs devaient adapter leurs offres à différentes législations cantonales, ce qui impliquait un surcroît de travail et donc de coûts non négligeable pour de petits et moyens bureaux d’études. Cette harmonisation se traduit dans le nouvel accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP), qui va maintenant être traité par les différents parlements cantonaux.

Une surpondération du critère du prix s’est aussi avérée préjudiciable à l’offre de solutions novatrices. Il est pourtant urgent d’encourager l’innovation, notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou les déchets générés par le parc immobilier. Le nouveau critère d’adjudication « innovation » constitue désormais un instrument qui rend justice à des propositions intelligentes encore inédites.

Le fondement est donc posé pour dépasser les déplorables habitudes d’adjudication aux moins-disants. Le retour à des appels d’offres axés sur une réussite à long terme devient réalité. Et il suffit de considérer les critères qualitatifs tels que les coûts du cycle de vie, la part d’innovation, l’économicité et la durabilité pour constater que l’étape suivante vers l’économie circulaire est déjà ancrée dans la nouvelle loi. Saisissons ces nouvelles opportunités !