27. Jan 2023

De la chenille au papillon

À propos de l’action de l’Alliance pour des marchés publics progressistes AMPP

Laurens Abu-Talib, secrétariat général AMPP

Voici l’histoire de l’Alliance pour des marchés publics progressistes AMPP. Sa genèse et ses liens avec l’usic, la révision du droit des marchés publics et moi-même. Connaissez-vous la métaphore du papillon qui, d’un battement d’ailes, influence les conditions météorologiques à l’autre bout de la planète? La métaphore énoncée par le météorologue Edward Lorenz est à la fois pertinente et trompeuse. Je commencerai par la chenille.


Peu de temps après avoir pris mes fonctions à l’usic, Mario Marti me chargea de rédiger une prise de position sur la consultation concernant l’accord intercantonal révisé sur les marchés publics (AIMP) qui venait tout juste d’être lancée. Mandat: renforcer la qualité par rapport au prix. Autant mes connaissances de cette matière complexe étaient faibles, autant ma motivation de la découvrir et de la comprendre était grande. C’est ainsi que je me plongeais dans les rapports et textes de loi et que je passais en revue toutes les sources imaginables et accessibles. J’assistais également à des manifestations sur ce thème. C’est au détour de l’une de ces manifestations que je fis aussi la connaissance du juge du Tribunal administratif fédéral Marc Steiner, dont la manière de s’exprimer avec verve et humour sur un thème aussi aride me fascina. C’est à ce moment-là que je sus que le droit des marchés publics était cool. La chenille venait de passer avec succès la première épreuve du feu et de rédiger la prise de position de l’usic sur l’AIMP.

Une petite chenille cherche sa voie

Compte tenu des efforts d’harmonisation entre la Confédération et les cantons, la consultation sur la loi fédérale (LMP) qui ne tarda pas à suivre ne représentait plus un défi majeur. Entre-temps, nous réfléchissions au sein du secrétariat à la manière de faire valoir nos requêtes dans le cadre du processus parlementaire imminent. C’est ainsi que nous eûmes rapidement l’idée de former une alliance avec des pairs. Une fois encore, je fus chargé de la constituer. Comment crée-t-on une telle alliance? Je me remémorai un séminaire sur les affaires publiques et le lobbying que j’avais suivi à l’université. Un lobbyiste d’une grande agence nous avait expliqué comment il avait constitué une alliance pour les associations de la police. C’est aussi à ce moment que je sus ce que je voulais faire à l’avenir. Le moment était enfin venu. La chenille commença à faire son cocon.

La métamorphose

Toute la difficulté de l’opération consistait à atteindre une taille critique d’associations tout en trouvant le plus petit dénominateur commun. Les prestations de planification sont des prestations intellectuelles. Aussi la liste s’étendit-elle aux spécialistes des relations publiques, au secteur de la traduction et même aux prestataires de services médicaux. Ainsi, nous fûmes nous-mêmes quelque peu tenus en échec. Nous dûmes défendre des requêtes qui étaient importantes pour tous les membres. En même temps, nos chances d’être entendus par les politiques s’en trouvèrent améliorées. Nous formulâmes des lignes directrices générales auxquelles les membres de l’alliance devaient adhérer et sur lesquelles devaient se fonder les contenus ultérieurs. Les barrières à l’adhésion étaient basses. Seuls les coûts externes étaient facturés et chaque association payait ce qu’elle pouvait. L’usic en sa qualité de secrétariat prenait en charge la différence. Tous pouvaient, mais personne n’était obligé. L’alliance s’étoffa dès la consultation sur la LMP. Nous organisâmes également notre propre session, où des experts du droit des marchés publics purent s’exprimer, parmi eux Marc Steiner. La chenille débuta son processus de transformation.

Recherche de forme et envol

À l’issue de la consultation sur la LMP, tous les membres furent invités à nous transmettre leurs prises de position. Je me plongeai une nouvelle fois dans les documents, dans le but d’identifier dans les prises de position les points susceptibles d’être soutenus par l’ensemble des membres. Un document très détaillé avec des demandes de modification concrètes et consolidées pour chaque article de loi déterminant classées par ordre de priorité vit ainsi le jour. Sur la base des requêtes, je formulai d’autres requêtes éventuelles pour le cas où les demandes principales ne seraient pas reprises par le Parlement. Le document fut mis en consultation au sein de l’alliance et adopté. Toute modification ultérieure était impossible. Dès cet instant, j’avais un mandat clair et je n’avais plus besoin de coordonner chaque modification avec le comité de l’alliance. La règle suivante s’appliquait: chaque organisation pouvait faire du lobbying pour son propre compte. Dès lors que des requêtes de l’AMPP étaient concernées, aucune position divergente ne pouvait cependant être adoptée. Le cocon s’ouvrit, laissant place à un papillon.

Le premier battement d’ailes

Le papillon émergea avec la diffusion du document détaillé au sein des branches. Les organisations qui n’avaient pas encore à ce stade de propositions de modification concrètes furent ainsi tentées de reprendre nos positions. Ce fut le cas de constructionsuisse. Dès que l’objet parlementaire fut inscrit à l’ordre du jour de la Commission du premier conseil, l’heure était venue d’approcher les membres du conseil. J’identifiai les membres des différents groupes parlementaires compétents pour l’objet parlementaire et distribuai nos requêtes individuelles en fonction de leur coloration politique. Certaines passerelles étaient d’ailleurs possibles. Ainsi, la même requête pouvait parfaitement être promue selon des perspectives différentes. Grâce au solide travail de préparation, seuls quelques brefs entretiens individuels furent nécessaires pour populariser les modifications. Parallèlement, j’informai certains membres du conseil de l’intention d’autres membres du conseil de soumettre certains changements sous forme de proposition. Nous avions ainsi un plan de secours. Pour appuyer notre démarche, nous envoyâmes une nouvelle fois nos requêtes à l’ensemble des membres de la commission juste avant la séance.